IUF 20 ans
 

L’épuisement des res­sour­ces tem­po­rel­les : l’urgence

Christophe Bouton

Universite de Bordeaux 3.

Dans le champ actuel de la phi­lo­so­phie, la notion de « res­sour­ces » ren­voie plutôt aux pro­blè­mes de « phi­lo­so­phie de l’envi­ron­ne­ment ». Je pro­pose d’abor­der ce concept à la lumière de la ques­tion du temps. Le psy­cho­lo­gue Robert Levine a carac­té­risé les pays déve­lop­pés par la notion de « time famine » (Geography of time, 20062, p. 13). Dans son ouvrage récent Accélération, le socio­lo­gue et phi­lo­so­phe Harmut Rosa évoque la « réduc­tion des res­sour­ces tem­po­rel­les » (Verknappung der Zeitressourcen) comme consé­quence de l’accé­lé­ra­tion des socié­tés contem­po­rai­nes (trad. La Découverte, 2010, p. 320).

Mon propos serait d’inter­ro­ger les pré­sup­po­sés d’une telle concep­tion du temps en termes de « res­sour­ces », qu’on peut avoir ou non, dis­po­ser en plus ou moins grande quan­tité, économiser ou gas­piller. Il s’agit ensuite d’ana­ly­ser la notion d’urgence com­prise comme épuisement des res­sour­ces tem­po­rel­les, qui semble affec­ter les indi­vi­dus – en pre­mier lieu à tra­vers le manque de temps – dans leur vie tant pro­fes­sion­nelle que privée. Le para­doxe de l’urgence à étudier plus par­ti­cu­liè­re­ment est que plus on dis­pose de moyens tech­ni­ques pour gagner du temps (trans­ports, com­mu­ni­ca­tions), moins on en a, plus on est « débordé ». Si le temps est une res­source, il est une res­source qui semble s’épuiser à mesure qu’elle aug­mente. Dans un troi­sième temps, il fau­drait exa­mi­ner com­ment le thème de l’épuisement des res­sour­ces tem­po­rel­les se retrouve sous une forme mon­dia­li­sée avec le pro­blème du réchauf­fe­ment de la pla­nète, ce qu’on a appelé « l’urgence cli­ma­ti­que ».

When the tem­po­ral resour­ces run out : urgency. In the cur­rent field of phi­lo­so­phy, the notion of resour­ces concerns more pro­blems of “envi­ron­men­tal phi­lo­so­phy”. I would like to put for­ward this concept in light of the ques­tion of time. The psy­cho­lo­gist Robert Levine cha­rac­te­ri­zed deve­lo­ped coun­tries by the notion of a “time famine” (Geography of Time, 20062, p. 13). In his recent work “Acceleration”, the socio­lo­gist and phi­lo­so­pher Harmut Rosa talks about “the reduc­tion of tem­po­ral resour­ces” as a conse­quence of the acce­le­ra­tion of contem­po­rary socie­ties (Beschleunigung, 2005, p. 408).

My objec­tive will be to find out pre­sup­po­si­tions of such a concep­tion of time in terms of “resour­ces” that can be had or not, used in smal­ler or grea­ter quan­ti­ties, be saved or wasted. Then the notion of urgency, defi­ned as the run­ning out of tem­po­ral resour­ces, which seems to affect people in their pri­vate and pro­fes­sio­nal lives, will be ana­ly­sed. The para­dox of urgency, to be stu­died in more detail, is that the more high tech­no­logy that we have avai­la­ble to save time (trans­port, com­mu­ni­ca­tion), the less time we have, the more that we are overw­hel­med. If time is a resource, it is a resource that seems to get used up as it increa­ses. In a third part, I would like to exa­mine how the theme of run­ning out of tem­po­ral resour­ces is rela­ted to the pro­blem of global war­ming, which is called “cli­ma­tic urgency”.