Université Joseph Fourier, Grenoble 1.
S’il est une substance –ou un substrat– dont la Nature semble ne pas manquer, c’est bien d’espace ou de temps. L’espace-temps n’est que le lieu des phénomènes, le support des processus : il n’est pas, en lui-même, une ressource, un sujet d’étude ou un objet de préoccupation. La physique contemporaine, pourtant, invite à revoir profondément cette vision simpliste. L’espace-temps, nous apprend la relativité générale, est dynamique : il est assujetti à la présence des corps, il se courbe et se distord. Pire encore, précisent les théories de gravitation quantique : au sens strict, l’espace-temps n’existe pas ! Autant de révolutions conceptuelles que la cosmologie –science de l’Univers dans son ensemble, à la croisée de la physique des particules et de l’astrophysique– met à l’épreuve : trous noirs et Big Bang interrogent le statut de l’espace-temps et suggèrent de nouveaux moyens pour le comprendre. Sa structure granulaire, discrète, discontinue pourrait enfin se révéler et laisser quelques traces dans le macrocosme. Tout le socle de notre physique s’en trouverait bouleversé. Jusqu’à la vertigineuse hypothèse des univers multiples, aujourd’hui au cœur du débat cosmologique. Notre Univers doit-il être réinterprété comme un îlot dérisoire au sein d’un gigantesque « multivers » ? Ressources spatiales et temporelles multiplement infinies ? Par delà le questionnement scientifique, c’est un large débat philosophique qui doit accompagner ce déplacement. En contrepoint de la présentation des avancées physico-mathématiques, je donnerai donc quelques pistes pour appréhender cette ressource nouvelle d’un point de vue métaphysique : quelles déconstructions pour suivre ou anticiper ces constructions, quelles épistémologies pour penser cette ontologie diffractée ?
It is usually taken as granted that spacetime is just the frame within which phenomena take place. It is not supposed to be studied in itself. However, contemporary physics invites us to go beyond this naive view. General Relativity shows us that spacetime is dynamical, that it curves and reacts to its matter content. Even stranger : quantum gravity might lead us to the idea that spacetime does not even exist. Cosmology –the science of the Universe in itself, at the intersection of astrophysics and particle physics– questions those conceptual revolutions : black holes and the Big Bang suggest new means to understand the fundamental nature of spacetime. Its granular structure might finally be revealed in the macrocosm which would change deeply our understanding of the world. Up to the – much discussed – hypothesis of multiple universes. Beyond those purely scientific questions, this raises some important philosophical points. What kind of deconstructions should be imagined to understand this diffracted ontology ?