IUF 20 ans

L’interdisciplinarité pour le long terme, cap sur les ressources

Les mots-clés : court-termisme des politiques, des agents économiques et financiers, marchandisation de toutes les activités, projet de société, place et rôle des universités, valeurs humaines, choix technologiques, biens publics / communs et ressources (v. Définitions).

Une initiative ENS : Institut Interdisciplinaire Ressources et Biens Publics

Après un siècle au cours duquel deux res­sour­ces, le pétrole et la finance, ont contri­bué pour beau­coup à trans­for­mer radi­ca­le­ment les rap­ports de l’homme à la nature, nous voilà confron­tés avec les limi­tes phy­si­ques d’une crois­sance économique sans pré­cé­dent, assor­tie de dum­ping social et envi­ron­ne­men­tal. Face à ce mode de déve­lop­pe­ment linéaire et qui pro­vo­que la rapide raré­fac­tion de nom­breu­ses res­sour­ces, une logi­que élémentaire vou­drait que l’on puisse élaborer une vision plus glo­bale et plus col­lec­tive du déve­lop­pe­ment, à tra­vers une « concep­tion non-pro­mé­théenne du pro­grès » (Chollet M, Le Monde diplo­ma­ti­que sept. 2009, p23). Michel Serres appelle à une troi­sième révo­lu­tion sur la Terre et Joseph Stiglitz part à la ren­contre d’ « Un autre monde »11

Le temps est venu de repen­ser nos rap­ports à la pro­blé­ma­ti­que des res­sour­ces dans leur ensem­bles, mais également à des biens publics et à des ser­vi­ces que le marché ne peut pas rendre : accès uni­ver­sel à ces biens com­muns et à des droits fon­da­men­taux (éducation, santé, qua­lité de la vie, accès aux savoirs / culture, aux logi­ciels, aux réseaux sociaux etc). Dans cette démar­che, les scien­ti­fi­ques, au sens large, sont bien placés pour bali­ser la voie car, par la nature même de leur métier, ils ont ten­dance à penser le long terme et à trans­gres­ser les fron­tiè­res entre dis­ci­pli­nes, entre autres. La nou­velle ENS de Lyon sou­haite s’enga­ger avec force dans la mise en valeur de son poten­tiel inter­dis­ci­pli­naire.

Ceci est une pro­po­si­tion pour que des ensei­gnants-cher­cheurs, toutes dis­ci­pli­nes confon­dues, accep­tent de cons­ti­tuer un groupe de tra­vail sur la vaste pro­blé­ma­ti­que des biens publics12 et des res­sour­ces afin d’adap­ter leurs usages à une vision du monde plus humaine, plus dura­ble, moins iné­ga­li­taire, plus res­pec­tueuse de l’envi­ron­ne­ment. Le groupe de tra­vail par­ti­cipe à la créa­tion de l’« Institut Interdisciplinaire Ressources et Biens Publics ». L’ins­ti­tut s’engage dans des acti­vi­tés d’ensei­gne­ment et de recher­ches sur cette pro­blé­ma­ti­que, qu’il dif­fuse dans toutes les sphè­res du monde uni­ver­si­taire et de la société.

Concrètement, si la com­pré­hen­sion et l’opti­mi­sa­tion de toutes les res­sour­ces repré­sen­tent des tâches de pre­mière urgence, la mise en phase de vastes ensem­bles de res­sour­ces opti­mi­sées afin d’assu­rer leur ges­tion rai­son­née et inté­grée cons­ti­tue un vrai défi socié­tal. Ce défi néces­site une conver­gence des savoirs et la réci­pro­cité des savoir-faire ; c’est dans cette inter-fer­ti­lité du concret et des concepts que peu­vent surgir les nou­veaux espa­ces, comme ceux de la redé­fi­ni­tion des péri­mè­tres des biens publics, d’une jus­tice plus glo­bale dans leur allo­ca­tion, de la ges­tion rai­son­née et inté­grée de l’ensem­ble des res­sour­ces. C’est la raison pour laquelle, à pré­sent, cette pro­blé­ma­ti­que doit être placée en amont de tous les autres grands enjeux (bio­di­ver­sité, réchauf­fe­ment / dérè­gle­ment cli­ma­ti­que, crise énergétique etc), qu’elle peut inclure et aux­quels elle apporte des fon­de­ments indis­pen­sa­bles. On parle à ce propos depuis quel­que temps de sou­ve­rai­neté ali­men­taire, de sécu­rité énergétique ou cli­ma­ti­que etc comme des nou­vel­les fron­tiè­res poli­ti­ques.

Sciences et technologies – la face sombre du métier

L’extra­or­di­naire anthro­pi­sa­tion de la pla­nète est assor­tie d’un extrac­ti­visme dévas­ta­teur de toutes les res­sour­ces qui sont exploi­tées en totale déconnexion avec leurs coûts envi­ron­ne­men­taux et/ou sociaux. Le para­doxe aujourd’hui réside dans le fait que nous sommes capa­bles de com­pren­dre la bio­sphère, ses res­sour­ces et les méca­nis­mes sous-jacents depuis le niveau molé­cu­laire et jusqu’au niveau écosystémique, mais cette com­pré­hen­sion des dyna­mi­ques et des équilibres sub­tils et fra­gi­les ne change rien d’essen­tiel au « busi­ness as usual ». On dit que le marché n’est pas capa­ble de dire la vérité écologique13. Or l’écologie est un cadre concep­tuel de réfé­rence pour beau­coup de biens publics / com­muns et beau­coup de res­sour­ces. Mais la poli­ti­que domi­nante est en froid avec les biens publics et l’économie est en conflit avec les lois de la bio­sphère, son sys­tème-sup­port, son sys­tème-res­sour­ces : on pense que l’envi­ron­ne­ment et les res­sour­ces font partie de l’économie. Il en résulte un pro­ces­sus de cap­ta­tion et de mono­po­li­sa­tion des res­sour­ces / des riches­ses. On dis­cerne impli­ci­te­ment une contra­dic­tion entre notre mode de déve­lop­pe­ment et des exi­gen­ces éthiques d’égalité et de dignité allant jusqu’à porter atteinte aux droits fon­da­men­taux des citoyens. Les iné­ga­li­tés les plus crian­tes concer­nent le monde rural dans lequel se concen­trent injus­ti­ces socia­les, iné­qui­tés économiques et envi­ron­ne­men­ta­les, avec comme corol­laire une fra­gi­li­sa­tion rapide des agri­cultu­res et des pay­san­ne­ries14. Une vraie crise anthro­po­lo­gi­que (voir par exem­ple http://www.droit-ali­ments-terre.eu et le blog http://leblog­de­fran­cois­du­tilleul.bl...).

La science et la tech­no­lo­gie ont accom­pa­gné et ont sou­vent ampli­fié cette évolution. Prenons les scien­ces du vivant, au sens large, avec une longue liste de déri­ves ou de crises éthiques et socio-économiques. Ou les mathé­ma­ti­ques appli­quées à la finance dans le pay­sage d’une économie infor­ma­ti­sée très ner­veuse et impul­sive. Ou encore la course « mul­ti­dis­ci­pli­naire » dans les recher­ches mili­tai­res ou celle, toute récente, pour la conquête des riches­ses arc­ti­ques. Cette situa­tion affecte direc­te­ment les pro­blé­ma­ti­ques mêmes des recher­ches, leur finan­ce­ment et l’orien­ta­tion des déve­lop­pe­ments tech­no­lo­gi­ques. Il est clair aussi que la société s’inter­roge sur les liens de la science et des scien­ti­fi­ques avec le pou­voir, le marché, la démo­cra­tie. Etienne Klein (Galilée et les Indiens, Flammarion 2008) le dit : il faut remon­ter à la 2e Guerre Mondiale pour voir la science deve­nir « une sorte de puis­sance glo­bale, à la fois tech­ni­que, indus­trielle, économique et mili­taire ». Depuis, « à tra­vers les contro­ver­ses que les appli­ca­tions de la science sus­ci­tent, ce n’est rien de moins que la ques­tion poli­ti­que du projet de la cité, de ses fins, qui se trouve aujourd’hui posée : que vou­lons nous faire socia­le­ment des savoirs et des « pou­voirs-faire » que la science nous offre ? Les uti­li­ser tous, par prin­cipe ou au nom du pro­grès, ou les choi­sir, faire du cas par cas ? »15 En effet, « L’Europe … cal­cule davan­tage qu’elle ne pense ». Il est clair que depuis les années 60, les pays de l’OCDE n’ont pas cons­truit une société de la connais­sance, mais une « société de l’usage des tech­no­lo­gies, celle d’un monde normé par l’uti­lité des savoirs ». En d’autres termes, la science se cons­truit en per­ma­nence par ses mis­sions publi­ques qui évoluent, par ses règles de déon­to­lo­gie qui s’estom­pent ou plient, par son éthique même qui est remise en cause par le jeu des inté­rêts économiques et poli­ti­ques à court terme. La science et les tech­no­lo­gies ont donc laissé glis­ser l’huma­nité vers des déve­lop­pe­ments insou­te­na­bles à plu­sieurs niveaux : économique, écologique, social, cultu­rel.

Que peuvent faire les scientifiques aujourd’hui ?

« The world looks so dif­fe­rent after lear­ning science », disait Bruce Alberts dans son éditorial de décem­bre 2008 dans la revue Science. Au moment où les poli­ti­ques s’accor­dent à dire qu’en Europe l’avenir s’écrit à l’Université (la société de la connais­sance), on se (re)demande à quoi et à qui sert l’Université, ses savoirs, sa phi­lo­so­phie, sa recher­che publi­que, sa pro­priété intel­lec­tuelle ? Quel sens et quelle fina­lité de l’exis­tence humaine éclairent donc notre science ? Qui peut encore tracer les gran­des orien­ta­tions des évolutions socié­ta­les dans un monde dans lequel mon­dia­li­sa­tion et pri­va­ti­sa­tion ont désar­ti­culé le poli­ti­que16 ? En atten­dant des répon­ses satis­fai­san­tes à ces ques­tions, le groupe de tra­vail estime que la voie actuelle de déve­lop­pe­ment n’est pas la bonne. Il est donc impor­tant de par­ti­ci­per col­lec­ti­ve­ment à l’émergence d’un nou­veau projet. Pour ce faire, il faut com­men­cer par repen­ser, avec cohé­rence et en syner­gie, ses éléments cons­ti­tu­tifs, fon­da­men­taux : les biens publics et les res­sour­ces.

Les exper­ti­ses col­lec­ti­ves et les recom­man­da­tions du Milenium Ecosystem Assessment 2005 (MEA, http://www.maweb.org/en/index.aspx), du Groupe d’experts Internationaux sur l’Evolution du Climat 2007 (GIEC), des océa­no­gra­phes (Déclaration de Monaco, février 2009), les divers tra­vaux sur la bio­di­ver­sité en 2010, sans oublier l’exper­tise « Pesticides » de l’INRA, ont ouvert la voie en réus­sis­sant à mobi­li­ser les volon­tés poli­ti­ques ins­ti­tu­tion­nel­les et la société civile sur des pro­blè­mes de pre­mière urgence pour l’avenir. Il est impor­tant de conti­nuer sur cette lancée. C’est pour­quoi le groupe de tra­vail va s’inté­res­ser aux aspects sui­vants, à consi­dé­rer comme un tout :

  • 1. penser et agir globalement par l’interdisciplinarité, avec une éthique « sans frontières » dans l’enseignement et la recherche publique17 ;
  • 2. centrer le travail de formation, définir des priorités thématiques en recherche publique sur les biens publics et porter la question des ressources au cœur des politiques publiques.

Ces appro­ches inté­grées, sorte d’exper­tise col­lec­tive per­ma­nente, devraient per­met­tre de mieux com­pren­dre les dyna­mi­ques et le sens du déve­lop­pe­ment de nos socié­tés. Ces savoirs sont indis­pen­sa­bles pour faire chan­ger radi­ca­le­ment, cultu­rel­le­ment et poli­ti­que­ment, le modèle de société actuel. Voilà un défi et une mis­sion pour l’Université.

Penser et agir globalement - explorer l’interdisciplinarité pour structurer et contextualiser les savoirs et faire des choix de société et de technologie raisonnés

Nous excel­lons encore dans le penser et agir en tran­che. Passer à une cohé­rence glo­bale dans la com­pré­hen­sion claire et objec­tive des enjeux, pour faci­li­ter les actions col­lec­ti­ves, pour cana­li­ser, donner du sens aux débats et conflits sociaux et envi­ron­ne­men­taux, n’est pas envi­sa­gea­ble sans une par­ti­ci­pa­tion majeure du monde uni­ver­si­taire. La liberté uni­ver­si­taire, l’asso­cia­tion inex­tri­ca­ble entre ensei­gne­ment et recher­che, entre recher­che fon­da­men­tale et ses appli­ca­tions, la jux­ta­po­si­tion des diver­ses dis­ci­pli­nes et l’inser­tion dans les pro­blé­ma­ti­ques à la fois glo­ba­les et loca­les, s’expri­ment au mieux lorsqu’il y a un enga­ge­ment col­lec­tif des uni­ver­si­tai­res et des cher­cheurs eux-mêmes.

Cette prise de res­pon­sa­bi­lité col­lec­tive cher­che à favo­ri­ser un meilleur rap­port entre la légi­ti­mité démo­cra­ti­que et l’exper­tise scien­ti­fi­que publi­que. Comment ? En uti­li­sant cette inter­dis­ci­pli­na­rité comme forme de liberté aca­dé­mi­que ultime et comme inter­face entre la société civile et les sys­tè­mes de gou­ver­nance. Dans tous les cas de figure, cette appro­che va avoir des consé­quen­ces sur notre manière d’appré­hen­der col­lec­ti­ve­ment le sens des limi­tes, d’adhé­rer à des valeurs qui struc­tu­rent l’inté­rêt col­lec­tif, d’inci­ter au niveau poli­ti­que la prise de déci­sions struc­tu­rel­les pour le long terme.

L’aide à la décision politique – priorité à une démarche collective pour s’approprier l’analyse et l’évaluation intégrale et intégrée des biens publics et des ressources

La science est un bien commun et une res­source qui pos­sède une extra­or­di­naire par­ti­cu­la­rité, celle de pou­voir embras­ser, comme objet d’étude et de recher­che, tout autre bien et toute autre res­source.

Sciences et société, scien­ces et liber­tés sont des cou­ples fra­gi­les, d’où le besoin de s’assu­rer que les uni­ver­si­tés et les struc­tu­res de recher­che opè­rent comme des car­re­fours de la société civile, du monde poli­ti­que et économique à la fois.

Non seu­le­ment pour la dif­fu­sion des savoirs, mais également pour défi­nir des objec­tifs d’inté­rêt public : guider la demande socié­tale, faci­li­ter le finan­ce­ment des pro­jets émergents de la société civile, mon­trer que tout est lié et que c’est dans le grand bazar des dis­ci­pli­nes réu­nies que l’on trouve ces liens à des niveaux cré­di­bles d’exper­tise. Les appels d’offre inter­dis­ci­pli­nai­res sont dans l’air du temps, mais il n’y a pas de vrai fil conduc­teur pour mettre cette inter­dis­ci­pli­na­rité au ser­vice d’un projet de société. Ni le European Research Council, ni le Comité de pilo­tage de la Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation18, ni le Grenelle de l’envi­ron­ne­ment ne sem­blent aller assez loin dans ce sens. Plus récem­ment, les ini­tia­ti­ves de l’INRA (la consul­ta­tion « Eclairer et anti­ci­per : les fonc­tions d’exper­tise et de pros­pec­tive ») ou le Rapport au pré­si­dent Sarkozy par la com­mis­sion pré­si­dée par les prix Nobel Joseph Stiglitz et Amartya Sen (14 sept 2009 ; qui pré­co­nise le chan­ge­ment d’ins­tru­ments de mesure favo­ri­sant une nou­velle forme de déve­lop­pe­ment économique, dura­ble, plus égalitaire, plus res­pec­tueuse de l’envi­ron­ne­ment), annon­cent des prises de cons­cience en pro­gres­sion.

Dans ce contexte, le groupe de tra­vail se donne comme pre­mier objec­tif la créa­tion de l’ « Institut Interdisciplinaire Ressources et Biens Publics », le 2IRBP. L’ins­ti­tut va œuvrer pour mettre en syner­gie des prio­ri­tés socié­ta­les de pre­mier plan, en s’inves­tis­sant dans des pro­gram­mes struc­tu­rés ayant comme pro­blé­ma­ti­que trans­ver­sale les biens publics et l’ensem­ble des res­sour­ces afin de les inté­grer dans des stra­té­gies publi­ques de déve­lop­pe­ment.

Prenons l’exem­ple des res­sour­ces. Des res­sour­ces rela­ti­ve­ment spé­ci­fi­ques repré­sen­tent des objets d’études pour l’une ou l’autre de nos dis­ci­pli­nes et cons­ti­tuent donc un déno­mi­na­teur concep­tuel commun de pre­mier ordre entre les diver­ses dis­ci­pli­nes. Dans le cas des res­sour­ces natu­rel­les, c’est la géo­gra­phie, la bio­lo­gie et la géo­lo­gie qui se par­ta­gent leur ana­lyse. Cette situa­tion a tou­jours été pro­pice à un dia­lo­gue plutôt natu­rel entre ces dis­ci­pli­nes et a sou­vent faci­lité des conver­gen­ces ou des syner­gies thé­ma­ti­ques. Leurs recher­ches inter­dis­ci­pli­nai­res pour­raient abou­tir, entre autres, à des outils d’ana­lyse per­met­tant d’évaluer l’état de ces res­sour­ces et de com­pren­dre leur dyna­mi­que afin de mieux jauger la via­bi­lité (ou la vul­né­ra­bi­lité) socio-économique et envi­ron­ne­men­tale des ter­ri­toi­res. Cette façon de faire reste trans­po­sa­ble à toute autre asso­cia­tion de dis­ci­pli­nes. Dans l’ensem­ble, cette appro­che devrait faci­li­ter la recher­che de stra­té­gies alter­na­ti­ves de déve­lop­pe­ment et l’aide à la déci­sion poli­ti­que et économique.

Dans cette opti­que, l’2IRBP devrait inté­grer dès le début des com­pé­ten­ces en phi­lo­so­phie, his­toire des scien­ces et scien­ces de la com­mu­ni­ca­tion, afin de donner à l’ensem­ble le recul et la cohé­rence néces­sai­res pour le par­tage avec et la dif­fu­sion des tra­vaux réa­li­sés vers le grand public.

Projets pédagogiques associés

Dans la démar­che d’appro­pria­tion pré­sen­tée plus haut, la dimen­sion for­ma­tion est une partie inté­grante et d’une actua­lité aiguë. Quels savoirs ensei­gner aux géné­ra­tions actuel­les d’étudiants ? Toutes les scien­ces sont concer­nées, mais l’exem­ple des scien­ces économiques est un des plus par­lant aujourd’hui : il est ques­tion de la faillite répé­tée de l’économie (au moins dans les domai­nes comme la macroé­co­no­mie et l’économie finan­cière) comme bran­che du savoir19.

Pour faci­li­ter la trans­ver­sa­lité et le dia­lo­gue entre les dis­ci­pli­nes, des cours de type « Sciences et société » et des ensei­gne­ments ana­ly­sant dans chaque dis­ci­pline les déve­lop­pe­ments concep­tuels et métho­do­lo­gi­ques censés par­ti­ci­per aux évolutions de la société seront appe­lés à se géné­ra­li­ser. Un exem­ple dans ce sens est l’ouvrage de François Gros de l’Académie, « Une bio­lo­gie pour le déve­lop­pe­ment » (Ed. EDP Sciences), pré­senté à l’occa­sion de BioVision 2009 à Lyon. Se des­sine ici toute la dimen­sion éthique de cette appro­che20

Des étudiants ainsi sen­si­bi­li­sés et pré­pa­rés « trans­ver­sa­le­ment » seront invi­tés à par­ti­ci­per aux tra­vaux du 2IRBP afin d’appren­dre à com­mu­ni­quer et à œuvrer dans des envi­ron­ne­ments inter­dis­ci­pli­nai­res. L’IXXI à Lyon (http://www.ixxi.fr) et DYLAN (http://www.dylan-pro­ject.org), un projet UE inter­dis­ci­pli­naire), peu­vent servir de modèle.

La cons­truc­tion des com­pé­ten­ces et l’appro­pria­tion concer­tée des savoirs « biens publics et res­sour­ces » par le monde uni­ver­si­taire en vue de leur dif­fu­sion dans la société par des mul­ti­ples canaux cons­ti­tuent le deuxième objec­tif du groupe de tra­vail.

Conclusion

Cette démar­che « biens publics et res­sour­ces » pro­po­sée au monde uni­ver­si­taire est un « grand défi ». Elle appelle une vision d’ensem­ble cohé­rente sur la pro­duc­tion des connais­san­ces croi­sées sur les socié­tés humai­nes, elle veut mettre la science au ser­vice de la société pour le court et le long terme à la fois, en met­tant au goût du jour les biens publics. Elle veut aider à mieux défi­nir le pro­grès que l’on veut, par un meilleur cadrage des fina­li­tés et un bon usage du pro­grès tech­no­lo­gi­que. Optimiser et phaser la ges­tion des res­sour­ces est un projet trans­ver­sal de recher­ches fon­da­men­ta­les, car il couvre toutes les dis­ci­pli­nes et se pro­pose d’aller aussi bien en pro­fon­deur qu’aux inter­fa­ces des choses. Il est donc d’inté­rêt socié­tal évident, même si la défi­ni­tion et la péda­go­gie de la demande socié­tale res­tent à faire. Il a la volonté d’inci­ter à faire des choix plus clairs dans l’orga­ni­sa­tion et le finan­ce­ment de la science : au gou­ver­ne­ment de fixer ses prio­ri­tés stra­té­gi­ques en fonc­tion de sa poli­ti­que, aux indus­triels de finan­cer la R&D, à la société de veiller à la pro­duc­tion des savoirs, à leur mise en pers­pec­tive afin de redé­fi­nir les espa­ces des pos­si­bi­li­tés ouver­tes, de mieux for­mu­ler nos ques­tions et nos idées sur l’avenir, sur le projet col­lec­tif de demain.

Remerciements

Les points de vue expri­més ici doi­vent beau­coup aux contri­bu­tions et/ou aux encou­ra­ge­ments de Paul Arnould, Olivier Faron, Christian Henriot, Wendy Leeds-Hurwitz, Yves Le-Lay, Marie-Claude Maurel, Michel Morvan, Violette Rey, Michel Serres. Mais également aux dis­cus­sions avec Etienne Klein et Guillaume Lecointre. Je remer­cie tout par­ti­cu­liè­re­ment la jeune équipe péda­go­gi­que qui s’est inves­tie avec cou­rage dans une ana­lyse-inven­taire sur les res­sour­ces natu­rel­les : Florian Douam, Morgane Ollivier, Emmanuel Pasco, Jonathan Schnabel. Last but not least, je remer­cie Nigel Briggs pour la ver­sion anglaise de ce texte.

Définitions

Un bien public (http://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Biens_...) « est, en science économique, un bien ou un ser­vice dont l’uti­li­sa­tion est non rivale et non exclu­sive c’est-à-dire :

  • non-rivalité : la consommation du bien par un agent n’empêche pas sa consommation par un autre (les agents ne sont pas rivaux pour la consommation du bien. Par exemple, le fait que je respire ne prive pas les autres d’air.
  • non-exclusion : tous les agents ont librement accès au bien.

Le contrôle des épidémies ou la défense natio­nale sont des arché­ty­pes de bien public.

La notion de bien public est une des quatre caté­go­ries issue du décou­page selon l’exclu­sion et la riva­lité, les trois autres étant le bien de club (non-rival exclu­sif), le bien commun (v. plus bas) ou bien public impur (rival non exclu­sif), et le bien privé (rival exclu­sif).

Dans un monde fini et tech­ni­que­ment évolutif, ces deux condi­tions (non-riva­lité, non-exclua­bi­lité) sont rare­ment abso­lue. Chaque bien est un cons­truit socio-his­to­ri­que et économique qui peut aller du pure­ment privé au bien public mon­dial pur en pas­sant par tout un conti­nuum.

Le même bien sera donc, selon les condi­tions, un bien public pur (assez loin des seuils) ou un bien public impur (un seuil est fran­chi à partir duquel la riva­lité — éventuellement l’exclua­bi­lité — appa­raît) ; comme bien public à libre accès peut faire l’objet de gas­pillage, l’évolution spon­ta­née de la situa­tion peut faci­le­ment la rap­pro­cher d’un seuil où le bien cesse d’être un bien public pour deve­nir un bien commun qui pose des ques­tions de ges­tion dif­fé­ren­tes.

On parle aussi de bien public mon­dial (ou bien public global), pour des biens publics très étendus (par exem­ple : la qua­lité de l’air, la bio­di­ver­sité, la situa­tion cli­ma­ti­que mon­diale,...), bien que cette notion soit l’objet de cri­ti­ques viru­len­tes et loin d’être sta­bi­li­sée et uni­fiée. L’idée des biens publics glo­baux appar­tient au PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) en 1999 (tra­duc­tion de l’anglais Global Public Goods). Il est ques­tion d’une vision écologique et huma­niste repo­sant sur le fait que les pré­lè­ve­ments actuels sur les res­sour­ces natu­rel­les ne per­met­tent pas un déve­lop­pe­ment sou­te­na­ble et posent la ques­tion de la survie des pro­chai­nes géné­ra­tions ».

Réf : L’avan­cée des biens publics - Politique de l’inté­rêt géné­ral et mon­dia­li­sa­tion .Bernard Gazier, Collectif, 2006 Albin Michel Collection : Bibliothèque d’économie

Les biens com­muns : « Tout ce qui est sujet à usage par­tagé, voire gra­tuit. La tra­gé­die des biens com­muns, ou tra­gé­die des com­mu­naux, est une classe de phé­no­mène économique décri­vant une com­pé­ti­tion pour l’accès à une res­source limi­tée, menant à un conflit entre inté­rêt indi­vi­duel et bien commun. L’expres­sion a été popu­la­ri­sée par un arti­cle de Garret Hardin paru dans Science en 1968, inti­tulé « The Tragedy of the Commons ». Le texte ori­gi­nal décrit com­ment l’accès libre à une res­source limi­tée pour laquelle la demande est forte mène iné­vi­ta­ble­ment à la sur-exploi­ta­tion de cette res­source et fina­le­ment à sa dis­pa­ri­tion (Wikipédia). Trouver une solu­tion à la tra­gé­die des biens com­muns fait partie des pro­blè­mes récur­rents de la phi­lo­so­phie poli­ti­que, mais l’attri­bu­tion du prix Nobel d’économie 2009 à Elinor Ostrom (avec son « Understanding know­ledge as a com­mons ») pose la ques­tion des com­muns dans le regis­tre recher­ché ici : sens col­lec­tif, lieux d’expres­sion et de négo­cia­tion de la société ».

The com­mons. : Subject to common use. The tra­gedy of the com­mons is a meta­phor for the public goods pro­blem that it is hard to coor­di­nate and pay for public goods. (http://eco­no­mics.about.com/od/econo...). The drama of the com­mons, 2002 National Researh Council USA, http://search.nap.edu/nap-cgi/de.cg...

Common pool resour­ces (CPR) are cha­rac­te­ri­sed by the dif­fi­culty of exclu­ding actors from using them and the fact that the use by one indi­vi­dual or group means that less is avai­la­ble for use by others. (The latter point dis­tin­gui­shes CPR from pure public goods which exhi­bit both non exclu­da­bi­lity and non rivalry in consump­tion). CPRs include some fishe­ries, irri­ga­tion sys­tems and gra­zing areas. Francais : Ressources com­mu­nes

Les res­sour­ces : il s’agit de res­sour­ces natu­rel­les, humai­nes, économiques, ins­ti­tu­tion­nel­les, connais­san­ces. Leurs conte­nus sont très divers, allant de res­sour­ces très maté­riel­les, comme les pro­duc­tions des agro-écosystèmes, l’énergie, la bio­di­ver­sité, les trames de peu­ple­ment…aux res­sour­ces humai­nes les plus variées, jusqu’aux plus imma­té­riel­les comme les res­sour­ces ins­ti­tu­tion­nel­les.

En 1910, T. Roosevelt disait « The nation beha­ves well if it treats the natu­ral resour­ces as assets which it must turn over to the next gene­ra­tion increa­sed, and not impai­red, in value ». (http://www.todayinsci.com/R/Rooseve...)

En 1992, la ques­tion des res­sour­ces était clai­re­ment posée lors du sommet de Rio. Aujourd’hui, elle est sys­té­ma­ti­que­ment évoquée dans toutes les sphè­res d’acti­vité et de déci­sion. En partie, l’économie, c’est la trans­for­ma­tion des res­sour­ces à l’aide de l’énergie (Enjeux Les Echos, nov 2009, p. 40). A noter aussi que la ques­tion cen­trale dans la phi­lo­so­phie de Akeel Bilgrami (Heyman Center for the Humanities, Columbia University) est le bas­cu­le­ment du concept de « nature » à celui de « res­sour­ces natu­rel­les ».

Michel Serres, La 3e révolution sur la Terre ou le non-dit du Monde, La Recherche / Le Monde, nov-déc 2009 Hors Série pp 94-98 (Forum Science, Recherche et Société, 20 juin Collège de France) et Temps des crises, 2009, Le Pommier. « Notre culture et histoire naquirent (…) en tenant de moins en moins compte du Monde. (…) Nous avons façonné le Monde comme un objet, de notre démographie, de nos appropriations, labourages, pâturages, de nos techniques dont certaines dimensions atteignent aux siennes, de pratiques issues de nos théories.

(…) Les sciences parlent des choses du Monde et les sociétés des sociétés, des villes et de la politique. (…) Le Monde reste le tiers exclu de nos politiques désuètes. (…) La crise actuelle vient de ce que meurent nos cultures et nos politiques sans Monde. »

Joseph E. Stiglitz, Un autre monde (contre le fanatisme du marché) Fayard 2006 (titre original Making globalization work, WW Norton, New York). « … on a compris que la perspective de Wall Street, souvent à courte vue, était diamétralement opposée au développement, qui exige une réflexion et une planification à long terme ».

Dans l’ensemble, les initiatives sont plutôt ponctuelles : il a été proposé d’inscrire dans la Constitution française la « charte des services publics » (www.referendum-servicespublics.fr). Citons pour les Etats Unis, Science next : Innovation for the common goods, à www.americanprogress.org) ou Science in the Public Interest (CSPI in Washington, as a non-profit watchdog). Enfin, la question du climat comme « bien public mondial », dans les coulisses du sommet de Copenhague (Libération, 6 déc 2009, pXXIV).

L Brown, www.earthpolicy.org/Books/PB... et pour la France le rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », avril 2009. La question des rapports entre l’économie et son socle environnemental est posée en termes de la valeur marchande de la nature : des services de la biosphère et de la régénération des ressources renouvelables.

Voir notamment l’Etude du Conseil Economique et Social, Faim dans le Monde et Politiques Agricoles et Alimentaires : Bilan et Perspectives, 2008 ; une mise à jour dans Libération du 15 oct 2009. Voir aussi le projet UE EAGLES 2008 et le Forum BioVision Lyon, 2009. Pour la spéculation sur les prix des denrées alimentaires, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février 2008 dans l’UE seulement (Libération, 13 mai 2008). Plus généralement, consultez « Pour une exception de citoyenneté », William Bourdon, Libération 24-26 déc 2010, p. XVI.

La tentation forte d’un pilotage politique de la recherche suggère non seulement une méfiance déplacée du monde politique à l’égard du monde académique, mais illustre bien la dérive du premier vers une approche à court terme des évolutions sociétales et un lien particulièrement étroit entre décideurs politiques et les lobbies du CAC40. Le monde politique demande aux scientifiques de se mettre au service, en plus de l’économie marchande, de la « demande sociétale / commande sociale ». Ceci paraît très légitime. Mais par quel canal vient cette commande, qui la décrypte et qui lui donne du sens ?

voir, par exemple, Les grands dossiers des sciences humaines 10 (2008) Florence Motto, « L’histoire a-t-elle encore un sens ? », pp. 44-47 et Edgar Morin, dans « Que reste-t-il de l’universel européen ? », Libération du 27 nov 2009, p. 23.

Pour un point de vue différent, voir J. Testart, Qui expertisera les scientifiques ? Le Monde diplomatique, déc 2010, p.13

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22707/installation-du-comite-de-pilotage-de-la-strategie-nationale-de-recherche-et-d-innovation.html(13 octobre 2008). Le comité devra notamment identifier les grands enjeux socio-économiques auxquels notre recherche doit pouvoir répondre. Ils se regroupent autour de quatre grandes familles : les défis sociétaux, les défis de la connaissance, les défis liés à la maîtrise de technologies-clefs et les défis organisationnels permettant d’optimiser les interactions entre les différents acteurs impliqués dans les domaines de la recherche et de l’innovation. Ces « défis » seront approfondis au sein des groupes de travail du début du mois de novembre à mars 2009. Ces travaux seront mis en débat à l’occasion d’une large consultation regroupant la communauté scientifique, le monde de l’entreprise, et les autres porteurs d’enjeux afin d’élaborer un rapport final. La stratégie nationale de recherche et d’innovation a été présentée par Valérie Pécresse en Conseil des ministres, en mars 2009. Voir aussi au MESR, Quels projets pour le grand emprunt national ?, séminaire du 6 octobre inspiré par la stratégie nationale de recherche et innovation ; http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid49046/programme-seminaire-de-reflexion-snri-quels-projets-pour-le-grand-emprunt-national.html?preview=1)

Dossier dans L’Echo, 10-12 oct 2009 / Qui peut encore croire un économiste ? « … La plupart des prix Nobel d’économie des dix dernières années ont été décernés à des scientifiques mettant en question l’hypothèse d’efficience des marchés ». Apparemment sans susciter de réflexion de fond, ni de révision des théories économiques. Ce qui pose des questions sur le système universitaire en général et le poids de l’enseignement disciplinaire dominant dans une période d’asservissement de l’université à l’économie. Consulter également Tom Schmitz, « HEC, école de l’acquiescement au libéralisme ». Libération 3 déc 2010, p. 23.

voir par exemple, la question d’une éthique environnementale, cf. Ethique et environnement à l’aube du 21e siècle , http://vertigo.revues.org/9810 , (mars 2010) « Dans un contexte marqué (…) par des dégradations majeures affectant les milieux naturels (…), ou encore par la raréfaction de ressources inégalement réparties dans l’espace (…), le domaine de définition des choix et la construction des décisions économiques ou politiques ne peuvent être considérés sans une réflexion sur les contours d’une nouvelle éthique environnementale pour affronter de nouveaux risques environnementaux et déterminer les réponses adéquates pour nous-mêmes et pour les générations futures. Cette perspective implique de réfléchir à la définition de nouveaux principes d’action susceptibles de modifier le comportement des acteurs en rendant compte notamment de la temporalité des choix de long terme (intra et intergénérationnel), des échelles spatiales au sein desquelles les phénomènes naturels opèrent, des irréversibilités associées à l’altération de certaines ressources environnementales ou à la complexité des interactions en jeu ». Voir aussi J-F Pierron, Penser le développement durable, 2009, Ellipses.

Michel Serres, La 3e révolution sur la Terre ou le non-dit du Monde, La Recherche / Le Monde, nov-déc 2009 Hors Série pp 94-98 (Forum Science, Recherche et Société, 20 juin Collège de France) et Temps des crises, 2009, Le Pommier. « Notre culture et histoire naquirent (…) en tenant de moins en moins compte du Monde. (…) Nous avons façonné le Monde comme un objet, de notre démographie, de nos appropriations, labourages, pâturages, de nos techniques dont certaines dimensions atteignent aux siennes, de pratiques issues de nos théories.

(…) Les sciences parlent des choses du Monde et les sociétés des sociétés, des villes et de la politique. (…) Le Monde reste le tiers exclu de nos politiques désuètes. (…) La crise actuelle vient de ce que meurent nos cultures et nos politiques sans Monde. »

Joseph E. Stiglitz, Un autre monde (contre le fanatisme du marché) Fayard 2006 (titre original Making globalization work, WW Norton, New York). « … on a compris que la perspective de Wall Street, souvent à courte vue, était diamétralement opposée au développement, qui exige une réflexion et une planification à long terme ».

Dans l’ensemble, les initiatives sont plutôt ponctuelles : il a été proposé d’inscrire dans la Constitution française la « charte des services publics » (www.referendum-servicespublics.fr). Citons pour les Etats Unis, Science next : Innovation for the common goods, à www.americanprogress.org) ou Science in the Public Interest (CSPI in Washington, as a non-profit watchdog). Enfin, la question du climat comme « bien public mondial », dans les coulisses du sommet de Copenhague (Libération, 6 déc 2009, pXXIV).

L Brown, www.earthpolicy.org/Books/PB... et pour la France le rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », avril 2009. La question des rapports entre l’économie et son socle environnemental est posée en termes de la valeur marchande de la nature : des services de la biosphère et de la régénération des ressources renouvelables.

Voir notamment l’Etude du Conseil Economique et Social, Faim dans le Monde et Politiques Agricoles et Alimentaires : Bilan et Perspectives, 2008 ; une mise à jour dans Libération du 15 oct 2009. Voir aussi le projet UE EAGLES 2008 et le Forum BioVision Lyon, 2009. Pour la spéculation sur les prix des denrées alimentaires, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février 2008 dans l’UE seulement (Libération, 13 mai 2008). Plus généralement, consultez « Pour une exception de citoyenneté », William Bourdon, Libération 24-26 déc 2010, p. XVI.

La tentation forte d’un pilotage politique de la recherche suggère non seulement une méfiance déplacée du monde politique à l’égard du monde académique, mais illustre bien la dérive du premier vers une approche à court terme des évolutions sociétales et un lien particulièrement étroit entre décideurs politiques et les lobbies du CAC40. Le monde politique demande aux scientifiques de se mettre au service, en plus de l’économie marchande, de la « demande sociétale / commande sociale ». Ceci paraît très légitime. Mais par quel canal vient cette commande, qui la décrypte et qui lui donne du sens ?

voir, par exemple, Les grands dossiers des sciences humaines 10 (2008) Florence Motto, « L’histoire a-t-elle encore un sens ? », pp. 44-47 et Edgar Morin, dans « Que reste-t-il de l’universel européen ? », Libération du 27 nov 2009, p. 23.

Pour un point de vue différent, voir J. Testart, Qui expertisera les scientifiques ? Le Monde diplomatique, déc 2010, p.13

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22707/installation-du-comite-de-pilotage-de-la-strategie-nationale-de-recherche-et-d-innovation.html(13 octobre 2008). Le comité devra notamment identifier les grands enjeux socio-économiques auxquels notre recherche doit pouvoir répondre. Ils se regroupent autour de quatre grandes familles : les défis sociétaux, les défis de la connaissance, les défis liés à la maîtrise de technologies-clefs et les défis organisationnels permettant d’optimiser les interactions entre les différents acteurs impliqués dans les domaines de la recherche et de l’innovation. Ces « défis » seront approfondis au sein des groupes de travail du début du mois de novembre à mars 2009. Ces travaux seront mis en débat à l’occasion d’une large consultation regroupant la communauté scientifique, le monde de l’entreprise, et les autres porteurs d’enjeux afin d’élaborer un rapport final. La stratégie nationale de recherche et d’innovation a été présentée par Valérie Pécresse en Conseil des ministres, en mars 2009. Voir aussi au MESR, Quels projets pour le grand emprunt national ?, séminaire du 6 octobre inspiré par la stratégie nationale de recherche et innovation ; http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid49046/programme-seminaire-de-reflexion-snri-quels-projets-pour-le-grand-emprunt-national.html?preview=1)

Dossier dans L’Echo, 10-12 oct 2009 / Qui peut encore croire un économiste ? « … La plupart des prix Nobel d’économie des dix dernières années ont été décernés à des scientifiques mettant en question l’hypothèse d’efficience des marchés ». Apparemment sans susciter de réflexion de fond, ni de révision des théories économiques. Ce qui pose des questions sur le système universitaire en général et le poids de l’enseignement disciplinaire dominant dans une période d’asservissement de l’université à l’économie. Consulter également Tom Schmitz, « HEC, école de l’acquiescement au libéralisme ». Libération 3 déc 2010, p. 23.

voir par exemple, la question d’une éthique environnementale, cf. Ethique et environnement à l’aube du 21e siècle , http://vertigo.revues.org/9810 , (mars 2010) « Dans un contexte marqué (…) par des dégradations majeures affectant les milieux naturels (…), ou encore par la raréfaction de ressources inégalement réparties dans l’espace (…), le domaine de définition des choix et la construction des décisions économiques ou politiques ne peuvent être considérés sans une réflexion sur les contours d’une nouvelle éthique environnementale pour affronter de nouveaux risques environnementaux et déterminer les réponses adéquates pour nous-mêmes et pour les générations futures. Cette perspective implique de réfléchir à la définition de nouveaux principes d’action susceptibles de modifier le comportement des acteurs en rendant compte notamment de la temporalité des choix de long terme (intra et intergénérationnel), des échelles spatiales au sein desquelles les phénomènes naturels opèrent, des irréversibilités associées à l’altération de certaines ressources environnementales ou à la complexité des interactions en jeu ». Voir aussi J-F Pierron, Penser le développement durable, 2009, Ellipses.